1 décembre 2024

Calvi

L’arrivée par bateau à Calvi, au petit matin, lorsque les massifs qui l’entourent sont encore enneigés est sûrement l’une des visions de la Corse les plus saisissantes pour le voyageur. Magistralement posée sur l’eau limpide de son golfe, la citadelle de Calvi, enfermée dans ses murs de granit à l’appareillage cyclopéen, fait contrepoids à la pointe de lo Revellata à l’ouest, et domine légèrement la longue plage de sable s’étendant sur 6 km jusqu’au ruisseau de Campu Longu. Une pinède encore intacte en souligne la courbe tendue. Capitale de la Balagne et station balnéaire de premier ordre, Calvi a surtout été considéré au cours de son histoire comme un verrou mili­taire. Ensemble de colonies romaines attestées sous le nom de Sinus Casolus, le golfe de Calvi est fréquenté auparavant par les Phéni­ciens, les Grecs et les Etrusques. Ses environs révèlent une occupation néolithique. Cité à part entière à la fin de l’Empire romain et dotée d’une basilique paléochrétienne, Calvi est envahie à plusieurs reprises – voire détruite (Ve siècle) – por les Barboresques. Elle reprend de l’importance sous l’administration pisone à partir du XIe siècle. Au XIIIe siècle, des seigneurs locaux s’y affrontent sans tenir compte des habitants épuisés par ces guerres incessantes. Giovanninello, seigneur du Nebbio allié oux seigneurs du Cap Corse (les da Mare et les Avo-gari favorables à Gênes) résiste oux sièges tenus par Giudice di Cinarca, avant de céder lo ploce forte située sur le promontoire et le village lui-même aux Avogari de Nonzo. En 1278, les Calvais demandent enfin protection à la république de Gênes soucieuse, pour sa part, de s’assurer un point d’ancrage popu­laire pour sa flotte. De nombreux Génois s’y installent et y construi­sent églises et monostères. Lorsqu’Alphonse V d’Aragon vient en renfort des seigneurs d’Istrio conquérir Calvi en 1420, les Calvais résistent et, sous la bannière de Pie-tro Bagnoli, parviennent à vaincre les Aragonais l’année suivante, à l’instar des habitants de Bonifacio. Toujours fidèles à Gênes, les Calvais repoussent les troupes du pope Eugène IV en 1445. Cependant, leur ville est placée en 1453 sous la tutelle de l’Office Saint-Georges après l’accord conclu à Mariana. Lieu social par excellence, la torra de la Marina est construite alors et dénommée tour du sel car on y pré­lève la gabelle. Jusqu’en 1511, les seigneurs di Cinarca tentent à nouveau de s’emparer de la ville puis deux épi­démies de peste noire la déciment, parallèlement aux enlèvements et aux rafles barboresques (« rezzous ») dont elle est victime. Puis, Calvi devient le théâtre de la guerre opposant François Ier à Charles Quint. Sampiero Corso, à la tête de troupes de mercenaires à la solde des Français (alliés aux Turcs), foit le siège de la ville en 1 553 après avoir, par ailleurs, conquis Bonifacio, Ajaccio et Porto-Vecchio.

Deux ans plus tard, un autre assaut est donné par les troupes françaises d’Orsini et par les galères turques de Dragut. Onze mille boulets sont lan­cés sur Calvi depuis une centoine de bateaux. Désespérés, les habitants organisent alors une procession der­rière le Christ noir de San-Giovanni Baftista peu ovant l’ultime attaque. Celle-ci n’a pas lieu à cause de la mésentente existant entre les assaillants. Les Français et Dragut se retirent alors, et le Christ noit est sacré « Christ des miracles ». Depuis la révolte des paesoni, en 1 729 jusqu’à la prise de possession de l’île par la France en 1769, la cité, suivant en cela sa devise « Civi-tas Calvi Semper » (« Calvi, toujours fidèle »), ne soutient pas les insur­gés corses qui tentent à plusieurs reprises de créer une Corse indépen­dante. C’est ainsi qu’en 1 739, elle accueille les troupes de Maillebois qui défendent Gênes contre l’insur­rection menée por Giacinto Paoli et Théodore de Neuhoff et, en 1 768, les troupes de Marbeuf venues prendre l’île à lo suite du traité de Versailles (por lequel Gênes cède ses droits sut la Corse à la France). Pendant la Révolution française, les Calvais refusent de suivre Pooli lorsque, rompont avec la Conven­tion, il décide d’établir un royaume anglo-corse en 1 794. Quarante jours durant, lo ville commandée par Casablanca resté fidèle à la Conven­tion, résiste aux assauts et aux bom­bardements répétés commandés par l’officier Nelson, lequel perd un œil au cours du siège. Calvi se relève de ce siège, particulièrement détruite. Elle ne se (établira qu’un siècle plus tard.
Assainis dès la fin du XIXe siècle, les marais de Calvi ne constituent plus un obstacle à la mise en valeur du golfe. L’apparition simultanée du chemin de fer permet à Calvi et â la Bologne de développer notamment son activité vinicole ainsi que l’accueil des touristes. Les cabines de plage, protégées par la pinède, se mettent alors à foisonner, de même que les commerces et les campings.

La fréquentation massive de la sta­tion, intéressante sur le plan écono­mique, met cependant en péril l’existence de la pinède qui borde la plage, elle-même peu à peu érodée.