L’une des questions que ne cessent de se poser les chercheurs concerne lo provenance des premiers Corses et leurs moyens de subsistonce. Comment interpréter, par exemple, la réalisation et la fonction de menhirs-armés, ces « stantori » à figure humaine qui portent des armes en relief sur leur face antérieure ? Leur présence dans les murs d’enceinte du « castellu » de Filifosa permet-elle d’affirmer que des autochtones, résistant à des envahisseurs, auroient conçu ces statues pour tromper les chefs ennemis ? Victorieux, les envahisseurs auraient brisé, puis utilisé ces sculptures dans leurs constructions fortifiées. C’est la formulation simplifiée de la théorie dite « Shordane ». Cette hypothèse a été mise en défaut par les fouilles les plus récentes. Il semble, en effet, qu’une civilisation agraire et pastorale se soit très tôt développée dons cette partie de l’île, créant, comme dans toute la Méditerranée, des unités de défense : les « castelli ». Les castelli étaient presque toujours dominés par des « torre », sortes de petites tours à une ou plusieurs chambres dont l’une servait généralement de foyer. La théorie Shordane qualifiait ces monuments de cultuels. Or, des études récentes ont trouvé des traces de repas sur lo pierre centrale. Celle-ci s’apparenterait donc plutôt à un foyer. Les ensembles fortifiés se découvrent dans des sites bien particuliers. Qu’ils investissent un plateau à Cucuruzzu (castellu sur le pianu di Livia) ou à Stantari et à Rinaghiu (filitori sur le ploteou de Cauria), un col servant de verrou entre deux sites (Alo Bisuje), ou encore un éperon rocheux (Filifosa), lo présence des « castelli » et des « filitori » témoigne de l’adéquotion entre les sites et leur utilisation stratégique par les hommes. Si la beauté du paysage leur confère un caractère énigmotique, le réemploi au cours des siècles de certains de leurs éléments (comme les abris sous roche, par exemple) par les bergers, ne cesse de troubler le chercheur qui tente de dater avec précision les objets de ses fouilles.